
L’entrée officielle d’Aristophane en Occident a un père légitime, Guarino de Vérone, et une date précise, 1408, lorsque, par l’intermédiaire de l’humaniste, un prestigieux codex est arrivé en Italie. L’intermédiaire matériel du premier transfert des œuvres d’Aristophane de Constantinople vers l’Europe occidentale fut le Vat. Pal. gr. 116, contenant des textes jusqu’alors inconnus des humanistes. À son retour d'Orient, Guarino apporta en Italie l’Aristophane Palatinus, un codex qui transmet les trois comédies des programmes scolaires de Byzance (Pl. Nu. Ra.), qu’il avait acheté en 1406 pendant son séjour d’étude dans la capitale orientale chez le savant byzantin Manuel Chrysoloras. Un motif d’intérêt majeur est le fait que, dans l’Aristophane de Guarino, le texte grec des comédies se présente accompagné d’un ensemble de gloses exégétiques de la main de l’humaniste : il s’agit de la première tentative de rendre la langue du poète athénien en latin.
La passion des humanistes pour Aristophane s’est manifestée non seulement dans la recherche et la lecture des manuscrits, mais encore dans la réalisation de traductions de l’œuvre du poète comique antique. La plus ancienne traduction intégrale d’une comédie d’Aristophane parvenue jusqu’à nous est le Plutus Latinus du manuscrit Marc. lat. XIV, 10 (ff. 41r-65v).
Cette traduction en prose latine, qui est actuellement conservée à la Biblioteca Nazionale Marciana de Venise, a été réalisée à Padoue par l’humaniste Pietro da Montagnana (1395/97-1478), prêtre padouan et professeur de langues classiques. Élaborée dans les années quarante du XVe siècle, la traduction latine du Ploutos – ici publiée pour la première fois – est le fruit de ses études du grec sous la direction du savant byzantin Jean Argyropoulos, actif de 1441 à 1444 à Padoue dans l’entourage de Palla Strozzi.
Pietro da Montagnana ne traduit pas le texte grec ad verbum, une expression par laquelle les traducteurs médiévaux se référaient à ce qu’aujourd’hui nous appellerions une « traduction littérale » (qui, au Moyen Âge, aurait été considérée comme une traduction libre, selon les canons de l’époque) ; l’humaniste italien opte pour un rendu latin fidèle de (presque) chaque mot et de chaque élément du texte comique. La traduction latine reprend la structure et la position des mots du modèle grec, mais la loi de l’équivalence numérique des termes, strictement observée par les traducteurs médiévaux, n’est pas respectée par l’humaniste : en fait, dans la traduction, qui a des finalités didactiques et explicatives, l’adhésion à la lettre laisse place à de fréquentes variations textuelles, amplifications et expansions de l’original grec d’Aristophane.